Interview Dro KILNDJIAN, programmateur du festival Marsatac.
Ezella, comme bon nombre de « confrères » blogueurs, journalistes, artistes, mélomanes ou simples curieux, aime le festival Marsatac, le mélange autant musical que, plus largement, culturel, qu’il propose. Quand l’occasion s’est présentée de pouvoir poser quelques questions à Dro KILNDJIAN, son programmateur, son co-boss oserions nous dire, vous imaginez bien qu’on ne s’est pas fait prier. Voilà donc l’interview de Dro, et, pour le coup, un peu de promo pour cet évènement que tout le sud-est de la France attend d’oreille ferme.
Enjoy !
Dro KILNDJIAN bonjour, vous êtes le (co)fondateur de Marsatac avec Béatrice DESGRANGES et Laurence CHANSIGAUD. D’après ce qu’on a pu savoir, vous avez créé l’aventure en revenant d’une période de vie à Londres où vous habitiez tous les trois. Pouvez-vous nous parler de la naissance de ce festival, les prémices de sa naissance. Apparemment plusieurs personnes vous avaient dissuadé de lancer une telle opération à Marseille…
Nous habitions, en effet, à Londres durant quelques temps au milieu des années 90. Après nos études respectives, nous avions décidé de passer du temps à l’étranger et naturellement nous avions choisi Londres. Pourquoi Londres ? Parce que Londres justement ! Avec Béatrice et Laurence nous y avons passé des moments fantastiques. Nous sortions tout le temps, nous allions voir des tas de concerts. Finissions dans quantités de soirées diverses et variées. On était totalement fascinés par cette ville et son énergie.
Un après-midi, allongés sur les pelouses du parc d’Hampstead nous avions griffonné quelques notes sur des bouts de papier ; Dans nos têtes l’aventure a démarré là. On voulait créer à Marseille, l’équivalent des grands festivals britanniques. Pur délire mais on y croyait vraiment…
Bien entendu, avant même tout le reste nous avions commencé par imaginer la programmation virtuelle de notre festival idéal. Nous étions en 1993-94 et nous pensions naturellement à inviter Nirvana, Prince, Rage Against the Machine et quelques autres du même acabit.
Puis, un jour, Béatrice et moi avons décidé de rentrer. Laurence, elle, n’arrivait plus à partir. Nous l’avons donc abandonnée sur place. Lorsque que nous l’avons récupérée au début des années 2000 elle était devenue totalement britannique…
Entre temps nous avons tenté de contacter quelques personnes du monde de la musique pour prendre la température et estimer si une aventure comme celle-là pouvait être envisagée. Tous nous ont poliment éconduits. Il faut dire que voir débarquer 2 petits jeunes qui n’ont jamais organisé un seul concert de leur vie, pas même pour la fête du lycée, et qui prétendent monter un festival King size, ça peut interpeller voire prêter à sourire. Finalement, nous nous sommes accrochés à cette idée et nous avons fini par réaliser notre projet.
Il faut dire que notre rencontre avec la scène rap marseillaise de la fin des années 90 nous a bien aidée à franchir les premières étapes. Je remercie tous ces groupes dès que j’en ai l’occasion. C’est aussi grâce à eux que nous en sommes là aujourd’hui.
C’est donc une histoire de copains au départ qui naïvement se sont imaginé pouvoir vivre et développé un projet musical dans leur ville d’origine. Une belle histoire.
Qu’est ce qu’il y avait en place alors à cette époque à Marseille ?
Strictement rien ou pas grand chose du tout. Ca dépend si on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide. En 1999, lorsque nous avons démarré, aucune opération de ce type n’existait sur la ville et dans la région. Les musiques actuelles étaient, et elles le sont encore malheureusement, très mal considérées. Si la place qui leur est accordée aujourd’hui est faible, à l’époque, au milieu des années 90, c’était le désert.
Vous parlez, à propos de Marsatac, d’un héritage « rave ». Qu’en est-il réellement ?
Héritage « rave » dans les formats horaires très étendus, la musique électronique… Aussi parce que nous avons vécu un peu cette époque des premières raves. Evidemment, à l’époque et notamment en Angleterre nous étions aussi de ces fêtes là. Mais je ne vais pas m’inventer une vie de teufeurs ; je ne suis pas issu de ces milieux là. Je n’ai jamais été un activiste de cette scène là, je n’ai d’ailleurs jamais été un activistes d’aucune scène en particulier. Simplement, les esthétiques que nous défendons, les musiques électroniques ont un lien évident avec ces évènements et puis le côté festif, hédoniste, longs formats horaires nocturnes etc… disons que nous sommes plus proches de cette vision là que celle de Rock en Seine ou des Francofolies de La Rochelle qui travaillent sur d’autres formats d’autres horaires, d’autres esthétiques…
Depuis quelques années le festival est condensé en un week-end. Est-ce par rapport à une facilité d’organisation, une facilité de communication ?
Nous voulions densifier le propos. Il s’agissait pour nous de pouvoir offrir plus d’artistes sur un temps plus court. Ça fonctionne mieux comme ça. Ça ne nous empêchera pas de développer d’autres opérations sur ce même week-end un peu partout dans la ville, en tout cas nous y pensons.
Parlons de Marsatac 2010. La Friche la Belle de Mai comme lieu, est-ce un bon lieu pour Marsatac, après l’édition déroulée aux Dock des Sud ?
C’est un bon lieu pour Marsatac pour le moment, mais il ne permettra pas le développement de la manifestation à terme. Pour le moment et pour cette édition c’est un lieu qui nous convient très bien. Nous verrons ensuite comment s’organiser…
Pourquoi ce visuel mettant en scène un visage caché par un foulard ?
C’est Tabas, graphiste et artiste marseillais bien connu, qui est en charge de développer l’image du festival depuis des années. Il est très fort, il a toujours de très bonnes idées. Le coup du bandana c’était encore bien vu. Il s’agissait pour lui de symboliser, sous forme de clin d’œil, la lutte que mène le festival depuis des années pour s’imposer et continuer à se développer sur son territoire… Façon guérilla urbaine latino américaine… Puis le visuel est venu se télescoper avec l’actualité française, les histoires de voile intégral et tout le reste… Ça n’a fait que renforcer l’impact !
Les gens se sont ensuite emparés de l’objet, se le sont accaparés, ont joué avec et nous ont envoyé des dizaines de photos, toutes plus drôles les unes que les autres. Nous les projetterons toutes à la Friche durant les soirées du festival. Même Jack Lang et plein d’autres personnalités se sont prêtées au jeu. La plus spectaculaire à mon sens est celle du gars photographié par ses copains pendant une chute libre, et avant d’ouvrir son parachute, à plus 2500 mètres d’altitude, avec le bandanas scotché sur sa tête. Marsatac ça fait planer !
Quatre scènes. Pourquoi et comment quatre scènes ? Y aura-t-il une nouvelle fois une scène allouée à votre partenariat avec SFR ?
4 scènes parce que ça nous permet d’y programmer plus d’artistes. Le lieu se prête également à ce type d’exercice multi-scènes. 57 artistes au total, fallait au moins ça. Par contre il n’y a plus de scène spécifiquement SFR, les artistes issus de ce concours joueront sur les scènes « officielles ».
Si on parle programmation, on retrouve des artistes nettement plus électro que l’an dernier, avec des têtes d’affiches comme A-Trak, Mr Oizo, Aeroplane, Missill, Scratch Bandit Crew (etc.). Est-ce une volonté de rentrer dans une optique plus électronique puisque plus urbaine de par le lieu ?
Oui peut-être un peu inconsciemment. Le lieu a dû jouer aussi sur la programmation. Mais de manière générale, je voulais une édition très festive et plus recentrée sur les courants électro et hip hop. Mais y’a aussi du rock et plein d’autres choses…
Parlez-nous des coups de cœur artistico-musicaux de Dro pour cette édition 2010 ?
Que vous dire ? Comment ne pas en oublier ? Pour n’en citer que 3 ou 4, je dirai : Talib Kweli, une rareté de plus sur le Festival Marsatac. Un des plus grands artistes de la scène hip hop underground new-yorkaise. Complice de Mos Def à l’époque de leur duo Blackstars, puis de DJ Hi-Tek sous le nom de Reflexion Eternal, il a commis quelques tubes imparables mais il a surtout gagné le respect et l’admiration de toute une scène rap américaine et mondiale.
Sage Francis, Hip Hop toujours mais blanc, cynique, conscient et même contestataire. C’est l’anti bling bling par excellence. Ça fait trois ou quatre ans que j’essaie d’inviter ce garçon, mais il y avait toujours quelques chose qui n’allait pas. Cette année ça y est, j’ai réussi à l’attraper, pour votre plus grand plaisir… et le mien.
A Certain Ratio, à ne surtout pas louper non plus. Il s’agit de la première signature du label Factory, la légendaire maison de Manchester qui a livré au monde Joy Division, New Order ou The Happy Mondays. Plus de 30 ans après leur début ils sont toujours là et ils tiennent la dragée haute à bon nombre de jeunes groupes qui revendiquent l’héritage du Madchester des années 80. Une rythmique funk, des distorsions de guitares, la voix d’un chanteur new wave, le tout rehaussé par une production électronique, A Certain Ratio c’est ça mais bien plus encore !
Curry and Coco, dans un autre genre mais pas si éloigné que ça non plus… ce duo lillois est une sorte d’ovni qui sonne funk, punk, disco, electro, fada et cheap parfois mais c’est bien.
Bien entendu, il y a aussi Beardyman le beatboxer fou ; Misteur Valaire, formation electro-hip hop-jazz de Montréal ; Beat Assaillant ; Mr Oizo, Lexicon, deux frangins de Los Angeles pour un hip hop créatif, amusant et sexy. The Japanese Popstars, trio de Derry en Irlande qui fabrique des titres house imparables ; Erol Alkan, le Dj star turco-britannique et puis tant et tant d’autres… Comment se passera le déroulement de la soirée ? Y a-t-il des spécificités à savoir ? On vient, on fait le tour du site pour en maitriser les coins et recoins, on repère les bars, les toilettes (c’est important), on feuillette un peu le programme pour repérer les artistes qui nous plaisent. On se constitue son petit programme perso pour la soirée ensuite c’est parti. On danse, on court d’un concert à l’autre, on fait des rencontres, on se faufile vers les premiers rangs, on repart vers d’autres artistes… Des heures et des heures de musiques, des quantités de concerts à entendre… voilà comment ça va se passer dans les grandes lignes. Jeudi ça jouera jusqu’à 02h00 du mat, vendredi jusqu’à 04h00 et samedi jusqu’à 06h00…
Comment peut évoluer à terme un tel festival ?
Le festival est en perpétuelle évolution. Nous avons changé de format au fil du temps. De 2400 spectateurs accueillis sur la première édition nous sommes arrivés à 27000 spectateurs en 2008 sur le J4. Entre temps nous aurons changé 5 fois de lieu d’implantation. Les prochaines perspective d’évolution nous font regarder du côté de Marseille-Provence 2013 : Capitale Européenne de la Culture. C’est un bel enjeu et un beau challenge que nous voulons relever. Marsatac, je l’espère, jouera dans la cours des très grands festivals européens d’ici là.
ÉVÈNEMENT FACEBOOK DE MARSATAC
www.marsatac.com
twitter.com/marsatac
Un grand merci à Dro @ Marsatac et Caroline @ Batcave !
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